AP01
Le delta
du Mékong
Fleuve mythique et nourricier de l’Asie du sud-est, il impose son rythme avant de s’alanguir dans la région du delta.
Marché flottant
Cai Rang.
Le Mékong, un parcours tumultueux. Depuis les hauteurs himalayennes, sur plus de 4 500 km, il va successivement irriguer six pays. La Chine, le Laos, la Birmanie, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam vont profiter de ses bienfaits. Il doit son surnom Chinois de “fleuve turbulent” à son cheminement à travers des terrains accidentés, composés de gorges et de précipices. Il quitte ce premier territoire à une altitude bien plus modeste de 500 m. Il offre parfois des paysages fluviaux uniques, comme la région des 4 000 Îles au sud du Laos. Divisé en six bras principaux, il se déverse en mer de Chine via neuf estuaires, « Delta des neuf dragons ».
Carte
Six heures du mat, le marché s’éveille
Transport de légumes.
C’est d’Hô Chi Minh-Ville, appelée autrefois Saïgon, ville comptoir fondée au XVIIe siècle, que notre bus s’élance à travers les rues de la capitale. Nous quittons le centre-ville avec sa morphologie urbaine très planifiée, caractéristique de la présence française, commencé à la moitié du XIXe. Ville en perpétuelle mutation, sa densification rapide a favorisé une expansion urbaine moins structurée. Nous traversons des quartiers plus animés et bientôt nous laisserons derrière nous les silhouettes des nombreux gratte-ciel qui recomposent en verticalité cette ville historiquement basse. Une centaine de kilomètres nous sépare maintenant du delta du Mékong.
Pêche à la nasse
De nombreux pêcheurs dans le delta.
La vie dans le delta
Dans le labyrinthe des canaux
Au milieu de la végétation
À portée de regard, la ville de My Tho émerge de la jungle. Le pont enjambe le premier bras du Mékong, nous venons de franchir l’entrée de ce fabuleux et fertile jardin aquatique. Véritable Éden, cette plaine alluviale est composée d’un réseau extrêmement dense de canaux. Rizières, potagers, vergers luxuriants façonnent le paysage. La route continue vers Ben Tre, terre des pamplemousses verts et des cocotiers. Omniprésent, ce dernier est l’emblème de la province. De par leurs formes typiquement reconnaissables, troncs dénudés surmontés d’une couronne foliaire, ils dessinent un des décors les plus typiques du delta. La noix de coco tient une place prépondérante dans l’économie locale.
Un jeune homme nous attend au lieu prévu. Souhaitant profiter de la manne touristique, sa famille vient d’élever un petit Bungalow. Nous sommes parmi les premiers à venir y séjourner. Nous embarquons sur un bateau à fond plat pour une vingtaine de minutes de navigation sur les arroyos – nom des canaux étroits – un accostage au milieu de nulle part, un mètre cinquante de berge un peu glissante, quelques minutes de marche dans ce lieu paisible, bordé d’une végétation abondante et notre modeste demeure apparaît.
Navigation matinale
La vie sur les canaux.
Premiers contacts
Nous enfourchons deux vélos vintages, profondément marqués par l’usure du temps. Sur nos montures fragiles nous partons à la découverte des environs. Le trajet sur les chemins détériorés demande beaucoup d’attention. Nous sommes loin de tout et les canaux nous obligent à de nombreux détours. Notre retour se fait dans la pénombre. Il est maintenant 21 heures, le groupe électrogène s’arrête et plonge le bungalow dans le noir. Par cette nuit sans lune, les grenouilles et crapauds de la mare voisine coassent de leurs voix gutturales. Ils semblent vouloir se faire plus gros que les bœufs. Surexcités, les batraciens ont copulé une grande partie de la nuit. Nous sombrons dans le sommeil très tardivement. Malheureusement, aux premières lueurs du jour, les coqs font résonner leur syrinx et semblent acclamer les prouesses de la nuit endiablée de nos batraciens. Paisible delta qui nous a fait rêver…
Habitat sur pilotis
Canal et jacinthes d’eau.
Habitat traditionnel
Simple et sommaire
Mariage de raison
Vivre dans le delta, c’est savoir s’adapter à l’environnement. C’est une culture du risque et une capacité de résilience. La population locale en connaît bien les aléas, mais aussi les avantages ; l’accès direct au fleuve et à la mobilité. Les constructions traditionnelles sur pilotis issues des techniques ancestrales, composées d’un sol en bois et de murs en tôles d’acier, semblent malgré la précarité un des habitats les plus répandus. Mille pattes surmonté d’un assemblage hétéroclite de tôles ondulées, certaines chancelles, mais solidaires, elles acceptent l’ivresse de la construction attenante. La survie de certaines est liée à cet enchevêtrement, unie à sa voisine dans une forme d’éternité.
Habitat en bord de canal
Delta du Mékong.
L’habitat dans le delta, un défi majeur
Des architectes se sont intéressés à la conception de maisons modernes peu chères, résistantes aux intempéries. Architectures modulables, innovantes sur la base de structure acier et de matériaux naturels, bambous et feuilles de cocotier. Maisons écologiques, respectueuses de l’environnement, capables de s’adapter aux défis du changement climatique, au mode de vie et accessible financièrement à la population rurale du Delta.
La vie à bord – Autel à prière
Delta du Mékong.
les marchés flottants
Au cœur du delta
Ballet d’embarcations
Il fait encore nuit lorsque nous embarquons. Plus tardivement ce sera un ballet incessant d’embarcations de toutes dimensions. Certains bateaux, surprenants, sont à l’image de vieux galions sur lesquels les mats n’auraient jamais été hissés. Leurs ouvertures en bois mobiles font penser à d’anciens emplacements d’artillerie, nous sommes proches des romans d’aventure et de flibusterie. L’armada vietnamienne n’a pas fait parler la poudre, les fumées noires sont celles de vieux moteurs mal réglés dont les mécaniques pétarades. Les capitaines marchands manœuvrent avec dextérité. À la proue de nombreuses embarcations des perches de bois s’élèvent. Suspendus à leurs extrémités, tel des enseignes, le ou les fruits et légumes renseignent sur la cargaison. Les soutes sont pleines, d’ananas, de courges, de pastèques et autres produits du delta. Le marché s’anime.
Marché de Cai Rang – Marché de Phong Diem
Marchés flottants.
Marché de Phong Diem
Le marché flottant de Phong Diem est plus intimiste. Le canal est plus étroit. Notre embarcation est vite encerclée de bateaux surchargés de marchandises. Les productions de proximité sont variées, les transactions ont lieu dans une ambiance animée et enthousiaste. Le temps s’étire, il nous faut reprendre notre navigation Avec surprise, les manœuvres pour s’extirper de cet imbroglio de barques se sont passées plus facilement que nous ne le pensions.
Phong Diem
Boutique en bord de canal.
Marché de Cai Rang
Le marché de Cai Rang est d’une tout autre dimension. Il se trouve à proximité de Can Tho, quatrième ville du pays par sa population. Le tonnage des bateaux est bien différent. Ici les productions proviennent de l’ensemble de la région. Dans le transport fluvial, nombreux sont ceux qui ont fait le choix de faire coexister vie personnelle et professionnelle. Dans le dédale de voies navigables du delta, il n’est donc pas rare de voir cohabiter à bord plusieurs générations. Ce type de transport a pris son essor à une époque où le réseau routier était loin d’être développé. Mais les temps mémoriaux où les bateaux transitaient par plusieurs centaines semblent maintenant révolus. Il n’en demeure pas moins que Cai Rang demeure un patrimoine culturel immatériel.
Manger 5 fruits et légumes par jour
Citrouilles, pastèques, ananas, navets et choux.
De nombreux Sampans – pirogues de dimensions plus modestes – sont convertis en gargotes flottantes. Des plats mijotent, les vapeurs exhalent les parfums des herbes aromatiques, promesse de futurs stimuli des papilles gustatives. La ciboule, le basilic, la citronnelle, la menthe ou la coriandre sont couramment utilisés dans la cuisine locale ; véritable invitation à la dégustation. Les marchés de Cai Rang, Phong Diem, Phung Hiêp, Cai Bè, Nga Nam, Long Xuyên symbolisent un peu l’âme du delta. Il est à souhaiter que les couleurs, senteurs et vie de ces marchés flottants perdurent et qu’ils continuent à laisser cette trace indélébile sur le carnet du voyageur.
Petite recette entre amis
Faites-les mitonner
Vous souhaitez une viande appréciée pour ses qualités culinaires et médicales. Très protéinée, elle permet de lutter contre les carences alimentaires. Vous souffrez du mal du siècle, comme de nombreuses personnes devenues sédentaires, rivées derrière un écran une grande partie de la journée. La soupe de crapauds peut vous aider à traiter votre lombalgie. Soyez confiant, un dîner faussement improvisé entre amis, laisser mitonner, servir à la dernière minute pour garder l’effet de surprise et le tour est joué. Voilà un plat à démocratiser. Si l’idée vous tente, cherchez sur internet cette recette vietnamienne bien gardée. (Merci tout de même, de faire attention à la protection de la biodiversité).
Transport
Rivière Sông Cần Thơ
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Poumon économique
Colosse au pied d’argile
Les risques
Les fortes croissances économiques et démographiques des pays traversés par le Mékong entraînent une importante demande énergétique. Les nombreux projets hydroélectriques en cours et à venir sur le Mékong ainsi que sur ses affluents engendrent des enjeux conflictuels. Le delta est vulnérable, la perte non négligeable de sédiments riches en nutriments, l’érosion des sols, l’extraction du sable pour les besoins d’urbanisation et la salinité croissante sont des menaces pour les ressources halieutiques et agricoles. Le changement climatique et les risques évoqués pourraient entraîner la migration de la population rurale étroitement liée à la vie du delta.
Atelier de réparation mécanique
Delta du Mékong.
Sans compter Hô-Chi-Minh-ville l’espace deltaïque rassemble environ vingt millions d’habitants. Plus vaste étendue agricole du Vietnam, le pays, deuxième ou troisième exportateur mondial avec la Thaïlande derrière l’Inde, est considéré comme le grenier à riz de l’Asie. Depuis un demi-siècle la population en croissante augmentation dans cette zone fertile a pratiqué une culture intensive, provoquant l’appauvrissement des sols. Considérablement menacé par le changement climatique et la montée des eaux, le monde agricole doit se diversifier et se restructurer. L’élevage de la crevette en alternance avec la riziculture, ainsi que la recherche de productions spécialisées, labélisées à valeur ajoutée sont des orientations en cours.
Trafic fluvial
Delta du Mékong.
Évolution des infrastructures
Le delta est d’une importance capitale pour le Vietnam et l’épuisement des ressources en eau le problème majeur de demain. La gestion de l’eau et l’occupation des sols sont des modèles complexes à faire évoluer. Entré dans la mondialisation et l’économie de marché, le Vietnam attire de nombreux investissements directs étrangers, malheureusement, la région et principalement le secteur de l’agriculture attirent peu. Une évolution des infrastructures pourrait éventuellement inverser cette tendance, et motiver l’arrivée de sociétés aux projets innovants, peut-être capable de résoudre la difficile équation de faire cohabiter logique économique, respect d’environnement et protection de la biodiversité.
FIN
Asie Pacifique
AP01 – Le delta du Mékong.
AP02 – Bagan, la plaine des temples.
AP03 – Lac Inle, au cœur du Myanmar.
AP04 – Sri Lanka, une nature généreuse.
AP05 – Le Shekhawati et sa région.
AP06 – Bundi, authenticité et douceur de vivre.
AP07 – Paysages Indonésiens.
AP08 – Fascinant Rajasthan.
AP09 – Naoshima et l’art comptemporain
AP10 – Japon, finesse culturelle.
AP11 – Japon, les esprits de la montagne
AP12 – Le Sulawesi, le pays Toraja.
AP13 – Sulawesi, combats de coqs.