Sulawesi
Combats de coqs
En Indonésie, les combats de coqs sont une activité nationale bien ancrée dans la culture et les mœurs. En 1981, le gouvernement a promulgué une loi interdisant les jeux d’argent sous quelque forme que ce soit. Cette législation a mis fin à la légalité des combats, soulevant une vive émotion à travers le pays. Le décret a été largement commenté et débattu. Exutoire à la violence collective pour certains, cruauté et maladie qui affectent l’âme pour d’autres, cette coutume dépasse la simple attraction. Aujourd’hui, traditions et bakchichs favorisent la cécité des autorités. Des arènes s’élèvent pour seulement quelques jours et des passionnés, prêts à tout perdre, traversent le territoire pour s’adonner à cette activité.
Cette passion a touché nombre de civilisations. L’homme et le coq ont semble-t-il en commun cette nature belliqueuse et orgueilleuse. L’expression « Fier comme un coq » faire le beau, le séducteur avoir une attitude arrogante, en est un concret exemple.
Le coq est tout d’abord un reproducteur qui va solliciter assidûment son harem et exercer une domination souvent tyrannique. Il est caractériel et ne supporte pas la présence d’un autre dominant au risque de le blesser mortellement. Son fameux chant lui permet au quotidien d’affirmer cette domination.
Carte
Coq de combat.
Fierté & nature belliqueuse
Coq de combat.
Historique des combats
Une tradition immémoriale
Expansion
La tradition des combats de coqs remonte à plusieurs millénaires. L’origine débuterait avec la sédentarisation et la domestication de l’espèce. Pratiquée par diverses cultures à travers le monde, elle semble puiser son origine en Asie du Sud-Est. Associés aux festivités, à des rites religieux et des célébrations communautaires, les combats se sont propagés en Perse, avant d’être importés en Europe par les civilisations grecque et romaine. À partir du XVe siècle, les puissances coloniales européennes vont favoriser cette expansion. Nombreux sont les pays d’Amérique Latine et des Caraïbes à les avoir intégrés.
Haut
Éleveur et son coq.
Bas
Plumage resplandissant.
Passion et ferveur
Profondément ancré dans les mentalités et les traditions l’attrait des combats persiste particulièrement en Asie. La passion et la ferveur du jeu, des gains et l’économie qui en découle participent pleinement à l’enthousiasme que procurent ces spectacles ancestraux. Pour exemple, aux Philippines, le combat de coqs ou « sabong » est devenu un sport national. Plus d’une dizaine de millions de ces combats rassemblent chaque année une population exclusivement masculine autour de milliers de gallodromes répartis dans l’archipel.
Haut & Bas
Coqueleurs et leurs animaux.
Interdiction
Les combats de coqs ont progressivement été interdits dans de nombreux pays au cours du XIX et XXe siècles. Au mépris des considérations éthiques sur les critères de la souffrance et de la sensibilité animale, ils demeurent pratiqués légalement ou clandestinement dans de nombreuses régions du globe.
Éleveur et son coq.
tradition
& passion
Rites religieux et sociaux
Complexité sociale
Au Sulawesi, le combat de coqs revêt souvent une dimension spirituelle. Chez les Toraja[s], il est traditionnellement lié aux cérémonies funéraires pour honorer les morts et apaiser l’esprit des ancêtres. Posséder un coq de combat puissant et victorieux est une marque de prestige. Elle exprime des valeurs de force, de bravoure, d’ardeur guerrière et d’honneur, traditionnellement associées à la virilité.
Haut
Coqueleurs et leur bête.
Bas
Plumage flamboyant.
Les combats sont aussi des évènements sociaux majeurs. Ils donnent l’occasion à la population de se réunir et de renforcer les liens communautaires. Souvent accompagnés de paris, ils contribuent à l’économie locale. Ils attirent ceux qui d’un côté espèrent augmenter leurs revenus, et d’autres prêts à jouer des sommes souvent considérables. Bien que controversés, ils restent une composante du tissu social dans plusieurs régions de l’île.
Haut
Propriètaire et son athlète.
Bas
Animal palpé.
Le gallodrome
Affluence de passionnés
Les bas-côtés de la route sont surchargés d’automobiles. En contrebas, le champ jouxtant l’arène est rempli de centaines de deux roues. L’attrait généré par cet évènement dépasse notre imagination. La gent masculine de la région semble avoir abandonné toutes activités liées aux travaux des champs et autres pour se réunir en ces lieux. Une affluence de passionnés qui ne nous permet pas, pour le moment, d’accéder au cœur du réacteur. La foule compacte chargée d’adrénaline dégage une énergie palpable. Le gallodrome est électrique et paraît prêt à imploser.
L’antichambre
Nous bifurquons sur la droite, la direction plus accessible qui nous entraîne vers l’antichambre des combats. Sous des bâches de plastique bleu tendues, les propriétaires accroupis à l’abri du soleil prêtent une attention particulière à leurs animaux. Les coqs sont palpés et massés, les futurs gladiateurs ont le plumage luisant et fière allure. Ici, tout est fait pour maximiser les chances de succès des futurs combattants.
Homme attachant le taji.
L’avant combat
Le choix de l’adversaire
Prédispositions
La taille, le poids, la race et l’âge sont les premiers critères que les propriétaires définissent pour garantir des combats équitables. Certaines lignées sont réputées pour leur agilité et/ou leur résistance. Pour certains, la formation favorise les frappes aériennes rapides, tandis que pour d’autres, elle encourage le combat au sol. Tout l’art de l’entraînement, dans le but de valoriser les prédispositions de l’athlète et les futures stratégies.
Haut : Taji ( lame de combat) – Bas : Coq victorieux.
L’équipement
Le « Taji »
Le taji est cette lame acérée fixée à l’une des pattes de l’animal, juste au-dessus de l’ergot. Elle exige d’être installée avec une grande précision pour rester stable et correctement orientée afin de ne pas entraver la mobilité de l’animal. Elle se doit d’être cette extension de l’anatomie, transformant les coups naturels en attaques dangereuses et fatales. La longueur des lames oscille généralement entre 5 à 7 cm, parfois plus. Le choix de sa taille, de sa forme et son efficacité dépendent principalement du style de son combattant.
Parieurs.
L’emprise du jeu
Les paris
Collectifs et individuels
Les paris sont au cœur des combats de coqs, transformant chaque duel en un enjeu collectif ou individuel. D’un côté les propriétaires de coqs devant s’affronter sont soutenus par un regroupement de parieurs et les sommes annoncées sont collectives, d’un autre, le pari se réalise simplement entre deux spectateurs. Dans cette arène composée de deux gallodromes, la foule est compacte. Une ambiance quasi irréelle de cercle de jeux nous projette dans un énorme tripot clandestin surgi d’un vieux court métrage.
haut
Les loges
Bas
Paiement des paris.
Avant chaque combat, les billets s’échangent dans une ambiance frénétique ; soit directement entre parieurs ou avec les individus qui se trouvent sur le ring, qui gèrent les transactions. La concentration et l’excitation sont parfois à leur comble. Il existe comme chez les bookmakers un système de cotes, qui peut désigner un favori et un challenger, ce qui influence les montants misés et les gains potentiels.
haut
Gestionnaire des paris
Bas
La foule en tension.
Prestige & réputation
Risques financiers
Bien qu’illégaux, ils sont profondément enracinés dans la culture locale. Les participations collectives sont des enjeux de prestige et de réputation. Les risques financiers qui en découlent peuvent aussi induire des tensions sociales et familiales. Les paris ajoutent cette intensité dévolue aux jeux d’argent et les parieurs sous pression oscillent souvent entre espoir et désespoir en fonction de l’évolution du combat.
Hostilités avant l’affrontement
La mort en spectacle
L’arbitre prêt à lancer le combat.
Le combat
Les gladiateurs
À la suite des rituels de préparations les deux protagonistes se font face avant l’affrontement. Les coqs se toisent et paradent, le plumage parfois hérissé et le bec prêt à frapper. Après un moment d’observation, l’agression monte d’un cran et les bêtes se ruent l’une sur l’autre, encouragées par l’instinct de survie et la volonté de dominer. Coups de bec violents, esquives, battements d’ailes féroces, ils essayent d’asséner des coups rapides et dévastateurs. La lame fixée peut entailler la chair avec une grande facilité.
Affrontement des gladiadeurs ailés.
À mesure que le combat progresse, les plumes se tachent de sang, les mouvements, sous la fatigue et la douleur, sont plus saccadés. Héroïques, les coqs vont continuer à se battre jusqu’à épuisement. Par sa cruauté, le combat est une forme de transposition de la violence interne de l’homme sur l’animal. Un moment de faiblesse et le dominant inflige alors les coups fatals sous les encouragements d’une foule de parieurs euphoriques ou désespérés. Une idéologie de la puissance. L’un des deux gallinacés ne se relève pas. Le combat est terminé. Les jeux ne sont jamais innocents.
La foule en tension.
Asie Pacifique
AP01 – Le delta du Mékong.
AP02 – Bagan, la plaine des temples.
AP03 – Lac Inle, au cœur du Myanmar.
AP04 – Sri Lanka, une nature généreuse.
AP05 – Le Shekhawati et sa région.
AP06 – Bundi, authenticité et douceur de vivre.
AP07 – Paysages Indonésiens.
AP08 – Fascinant Rajasthan.
AP09 – Naoshima et l’art comptemporain
AP10 – Japon, finesse culturelle.
AP11 – Japon, les esprits de la montagne.
AP12 – Le Sulawesi, le pays Toraja.
AP13 – Sulawesi, combats de coqs.