AP06
Bundi
Authenticité et douceur de vivre
À l’écart des routes touristiques, Bundi a gardé de son authenticité. Elle est réputée pour la qualité de ses miniatures et peintures murales.
Repos et convivialité
Femmes assises. Du centre ville en direction de Sukh Mahal.
Située en territoire Rajput, Bundi n’a rien à envier aux villes plus connues du Rajasthan. Blottie au pied des collines de l’Aravalli, surmontée de son palais et de son fort, elle offre une authenticité certaine aux curieux qui prennent le temps d’un détour pour la découvrir.
Loin du tumulte d’autres cités, il s’y dégage une atmosphère paisible, propre à la rêverie. Une Inde des contes et de l’imagination. Rien d’étonnant que Rudyard Kipling y ait trouvé l’inspiration. Sherkan n’est pas loin.
Carte
Le palais et le fort de Bundi
Citadelle et palais ouverts aux quatre vents.
Bundi et son palais
Une ville hors du temps
Premier regard
Nous sommes dans ce bus depuis des heures et au détour de ce virage, nous posons notre premier regard sur la ville. Nous nous trouvons sur le versant opposé, face au palais. Par chance, nos places se trouvent du bon côté. À cette heure tardive de la journée, les pierres des façades accrochent les derniers rayons du soleil et se parent de couleurs chaudes. Une riche palette d’ocre et de bleues enveloppe la ville. Elle a revêtu sa tenue de soirée pour émerveiller. Le bus amorce la descente ; nous pouvons admirer cette belle qui nous fait ses avances.
Nous abordons maintenant la partie plate et longeons la retenue d’eau Naval Sagar. Au centre de ce lac artificiel se trouve, à demi immergé, le temple du dieu Varuna – dieu des eaux et des fluides dans l’hindouisme. La lumière fait place à la pénombre. Sous les éclairages artificiels, le magnifique palais d’architecture Rajpoute surplombe la ville de son imposante présence.
Garh Palace
Salle d’audiences – Trône de marbre – Fresques.
Garh Palace
Deux jours plus tard, nous empruntons la rampe d’accès du Garh Palace. Les pavés sont glissants, polis par le temps et l’eau qui chaque année à la période des pluies ruisselle abondamment dans sa pente escarpée. Il faut franchir Hathi Pol, cette porte surmontée de deux éléphants face à face donne accès à la première cour du palais. Les pièces et les cours se suivent. Les peintures murales font parties des plus raffinées et des plus remarquables que l’on puissent admirer au Rajasthan.
Garh Palace
Finesse des traits des fresques et salle des miroirs.
Les fresques murales illustrent une variété de thématiques, légendes, mythologie, religions, histoire et vie quotidienne. La faune, la flore, les dieux et les mortels se mêlent dans des jeux de couleurs éclatantes où se côtoient des teintes ocre, rouges, turquoise et émeraude. Avec une précision de trait fascinant, dans un style de peinture miniature de l’école de Bundi très en vogue au XVIIe et XVIIIe siècles, les fresques de ce palais nous renseignent sur l’incroyable richesse et l’extravagance de la vie des princes Rajpoutes et de leur cours.
Fresques dans un pure style de peinture miniature.
Départ au combat et déclaration dans un oasis de verdure et de beauté.
Peintures murales et plafond
Fresques avec mixité d’influences.
Palais ouvert aux quatre vents
Majestueux dans son écrin, le palais est malheureusement ouvert aux quatre vents et très peu entretenu. Il y a pourtant urgence à protéger ce somptueux patrimoine. Certaines fresques ont résisté aux outrages du temps et aux dégradations, mais le temps presse. Par jour de pluie, quand la végétation lavée de la poussière portée par les vents dominants retrouve tout son éclat, ce fabuleux palais à flanc de colline, tout droit sortie des rêves, avec ses terrasses en espaliers pourrait faire penser au jardin suspendu de Babylone. Il y a des merveilles qui pourraient disparaître à tout jamais.
Le Safa turban du Rajasthan
L’art du turban
Identité locale
Avec le dhoti, vêtement traditionnel en coton blanc des hommes du Rajasthan, le safa constitue l’une des pièces vestimentaires incontournable de la tradition Rajpoute. Ce turban est une bande d’étoffe de coton blanc ou de couleur vive d’une longueur variant de 8 à 10 mètres et d’une largeur d’environ 1,20 m. Son utilisation autre que couvre-chef peut-être diverse, couverture légère, oreiller, filtre à eau, sac en bandoulière et probablement bien plus. Enrouler le safa n’est pas chose facile, en tout cas pour un non initié. C’est tout un art, plein de symbolique par la façon de le porter, sa taille, sa couleur et la région. Pour toutes ses raisons, difficile de s’impliquer plus, tant les représentations sont variées, excepté que les couleurs chatoyantes utilisées permettent d’être visible de loin.
Encore très présent, il a malheureusement tout de même tendance à être délaissé par les jeunes générations, parmi lesquelles, les codes vestimentaires ont l’inclination à une uniformisation mondiale. Pourtant ils ont vraiment fière allure tout de blanc vêtu avec leurs sublimes moustaches et leurs turbans ; ils portent haut et fort l’identité de leur région.
Rajasthani et son turban
L’art de porter et de placer le safa.
Fanfares du Rajasthan
Fanfares déambulatoires
Inde festive et exubérante
Introduites au XVIIIe siècle sous la domination anglaise, les fanfares étaient principalement l’apanage des cours princières. Elles ont perduré après l’indépendance et sont maintenant populaires et omniprésentes pour commémorer ou accompagner les évènements importants de la vie des familles indiennes. Difficile de ne pas les entendre dans les ruelles des cités Rajpoutes. Le terme fanfaronner, faire le beau, l’intéressant et du bruit afin de se faire remarquer prend tout son sens avec le mot fanfare.
En attente
Joueur de cuivre.
Composée de la famille des cuivres, cor, tuba, trompette, trombone et d’instruments à percussion, tambours et cymbales, les fanfares sont suivies de foules en habit d’apparat, un réel émerveillement. Une Inde colorée, chatoyante et festive.
Souliers d’apparat
Fanfare AZAD de Bundi.
Voilà, un produit d’importation, devenu indissociable de la vie indienne. Un mélange pour lequel, le kitsch, l’uniforme, le cirque et l’exubérance se mélangent pour le plus grand plaisir dans cette ancienne région des rois.
Discussion entre amis
Temple Charbhuja Kriskna.
Bundi se perdre dans les ruelles
Une belle endormie
À la découverte de la vieille ville
Bundi devait être une ville de passage, un détour, un stop éphémère, mais après l’agitation de villes plus importantes et de nombreux trajets en bus locaux, la ville nous a enveloppée de son ambiance conviviale et authentique. Dans son atmosphère tranquille, flâner au gré des ruelles est devenu une habitude et les jours se sont plaisamment enchaînés.
Portraits d’inde
Homme avec son safa – femme et son anneau.
Nous franchissons la porte de Chogan donnant accès à la vieille ville et à son bazar. Nos pas déposent nos empreintes, qui s’ajoutent et se superposent à celles des Maharajas, des éléphants, des cavaliers Rajpoutes et à toutes celles qui ont franchi ce porche. Nous nous retournons, et à cette heure matinale personnes autour de nous. L’espace d’un instant dont la durée est indéfinie, Latitude : 25.43855 | Longitude : 75.63735, nos empreintes sont au sommet de ce mille-feuille de l’histoire. Bientôt nous ne serons qu’un lointain folio de ces coordonnées
À cette heure-ci dans les rues du bazar, nous ne rencontrons que quelques chiens errants ainsi que des singes curieux et intrépides descendus des remparts de la citadelle. Profitant de ce moment ou Bundi est encore une belle endormie, ils essaient de se restaurer de quelques nourritures et se sauvent avec agilité à notre approche. Les dernières de ce bestiaire dont nous croisons les chemins, et pas des moindres, sont celles que je nommerais la Joconde des bovidés. Avec leurs regards langoureux, leurs yeux en amande et leurs cils démesurés, les vaches indiennes sont un peu dans le mannequinat. Ici, comme partout en Inde, les vaches sacrées déambulent avec nonchalance ou se laissent aller à la paresse couchées sur le flanc, tandis que leur appareil digestif s’attarde malheureusement à résorber plus de carton que d’herbe fraîche.
Dans les ruelles de Bundi
Chogan Gate et échoppes Babiers.
Hormis l’arrivée de la motorisation et l’accès à l’électricité, il est à se demander ce qui a vraiment changé ces dernières décennies. La vieille ville est une véritable invitation dans le passé. Plus tardivement le bazar s’éveille et les échoppes variées dévoilent leur devanture. Coton, épices, orfèvrerie, miniatures, quincaillerie, alimentation, barbiers et bien d’autres contribuent à l’animation de ce quartier.
Marché et artisanat
Vache avec cornes peintes, place du marché – Artisan, fabricant de couvertures dans une ruelle.
Il suffit de s’engager dans les ruelles adjacentes pour retrouver très rapidement la tranquillité de la ville. Du haut de son promontoire le palais avec ses proportions imposantes veille comme un protecteur sur sa ville. Il en est un peu l’âme et son relatif abandon distille une certaine mélancolie, teinté de la nostalgie d’un passé révolu. Bundi dénote des autres cités du Rajasthan, de par sa situation. Elle en est une des plus verdoyante.
Les métiers
Livreur de lait – Vendeuse de coton.
Comme souvent, le départ est proche. La région de Bundi ainsi que celle du Shekhawati resteront les deux destinations du Rajasthan que nous aurons préférées. Plus intimistes, ouvertes sur une Inde encore authentique et paisible, elles nous ont offert une ambiance et un visage un peu différent du Rajasthan. « galerie portraits »
La ruralité autour de Bundi
Village et population
Sortie en Tuk-Tuk à l’extérieur de la ville
Il est parfois difficile de se souvenir de l’enchaînement d’une conversation et de son aboutissement imprévisible. Nous voilà donc, pourtant en accord avec notre futur pilote pour un départ matinal en Tuk-Tuk. Le lendemain à l’heure dite, notre aimable conducteur est présent à la croisée des ruelles définies la veille.
Bien installés sur la banquette, nous nous rendons promptement compte que cette idée n’était sans doute pas la plus judicieuse. Se déplacer en ville n’est pas similaire au fait d’aborder des routes départementales. La topographie vallonnée fait de suite souffrir le moteur de faible cylindrée. Quasi au ralenti, le souffreteux engin a d’énormes difficultés à surmonter l‘inclinaison de cette première ascension. Les véhicules qui nous dépassent et que nous croisons sur cet asphalte qui n’en a plus que le nom soulèvent des cumulonimbus de particules, nous voilà donc très rapidement recouvert de poussière de la tête aux pieds. Heureusement après plusieurs kilomètres nous obliquons vers la droite et quittons cet axe un peu trop fréquenté.
Doyen du village
Proximité de Bundi.
La route est chaotique et le revêtement toujours inégal, mais les rafales poussiéreuses soulevées par les divers véhicules ont disparu et tout semble avoir retrouvé son éclat. Le trajet se prolonge maintenant à travers champs sous un soleil ardent. En fin de matinée nous faisons étape dans un village ou demeure la famille de notre conducteur. La structure familiale nous a favorisé les rencontres avec une partie de la localité. Les activités sont majoritairement agricoles, réparties entre élevage et cultures. Un travail réalisé par de petits, voir très petits exploitants, car de nombreux paysans indiens sont concernés par le morcellement des terres. Les travaux sont manuels et laborieux et les accès aux soins très rudimentaires. Cette escale en milieu rural, nous a permis d’être au plus près de la réalité de la vie des campagnes.
La ruralité
Village à proximité de Bundi
Le bousat est fabriqué par les femmes indiennes. Le bousat est constitué de bouse pétrie afin de la rendre homogène à laquelle est associé du foin. Transformées en boule puis en galettes elles sont mises à sécher au soleil. En été il faut quatre jours minimum pour faire descendre le taux d’humidité au-dessous de 30 % pour son utilisation. Ses galettes de bouse sont énormément utilisées comme combustible dans les zones rurales et dans de nombreux pays. Le bois étant souvent rare et le charbon trop cher.
Femme tirant de l’eau au puit
Région de Bundi.
Tata sur la route
Au départ de Bundi
Sur les routes du Rajasthan
Pleins jusqu’à la gueule de grain de pierre ou autres, nous voyons les camions ployer leurs squelettes sur les nids-de-poule des routes défoncées. Les amortisseurs arthritiques gémissent sous l’obésité des chargements. Les structures se courbent, se tordent puis les engins se redressent dans des vrombissements assourdissants et des fumées noires à couper au couteau.
Tel les pachydermes d’une ère révolue des maharajahs, ils sont là décorés, peints recouverts de bibelots, pompons et autres artifices à perpétuer une sorte de tradition. Parade et défilé de la force tranquille. Les cornacs de la route ont la dextérité pour les diriger. Parfois un spécimen agonise sur la chaussée. On le pense voué à une mort certaine et pourtant, solidarité, acharnement, démontage et système D, la bête que l’on croyait à ses dernières heures et son ultime souffle, se cabre, s’arc-boute pour reprendre de plus belle la route et avaler les kilomètres dans le vent et la poussière. On ne peut être qu’admiratif de la résistance des camions Tata et de l’abnégation de leurs propriétaires et conducteurs à les rendre attractifs, multicolores, recouvert de représentations d’animaux, de motifs floraux, de divinités et autres symboles. Un assemblage aussi hétéroclite que fascinant où se côtoie passé et modernité pour s’attirer protection et chance.
La circulation est particulièrement chaotique, les surprises nombreuses et le Code de la route peu respecté, cela demande vigilance et habileté. Dans les agglomérations et les centres-villes, l’effervescence règne souvent. Les rues envahies de marchands, de vaches nonchalantes et imperturbables, d’objets roulants non identifiés qui se croisent, se recroisent et se décroisent ajoute à la confusion ambiante. Le vert et le rouge semblent avoir perdu de leur signification. Dans cette cacophonie de klaxons, du baryton au soprano, comme si la loi du plus fort était toujours la meilleure le niveau sonore est déconcertant. En ces lieux d’anarchie routière au milieu de décibels assourdissants, dans un dernier barrissement les camions essaient de se frayer leur chemin.
FIN
Asie Pacifique
AP01 – Le delta du Mékong.
AP02 – Bagan, la plaine des temples.
AP03 – Lac Inle, au cœur du Myanmar.
AP04 – Sri Lanka, une nature généreuse.
AP05 – Le Shekhawati et sa région.
AP06 – Bundi, authenticité et douceur de vivre.
AP07 – Paysages Indonésiens.
AP08 – Fascinant Rajasthan.
AP09 – Naoshima et l’art comptemporain
AP10 – Japon, finesse culturelle.
AP11 – Japon, les esprits de la montagne
AP12 – Le Sulawesi, le pays Toraja.
AP13 – Sulawesi, combats de coqs.